Reprise de logement: vos droits et vos obligations en tant que propriétaire d’un multiplex
- Nancy Desormeaux-Beland
- 17 août
- 6 min de lecture
L’achat d’un multiplex résidentiel peut être une excellente stratégie d’investissement. Mais que faire si toutes les unités sont occupées et que vous souhaitez habiter l’immeuble? Beaucoup de propriétaires croient qu’ils peuvent reprendre un logement simplement parce qu’ils en sont les propriétaires. Or, la loi au Québec encadre strictement la reprise de logement. Voici ce que vous devez savoir.
Dans quelles conditions la reprise est-elle légale?
La reprise de logement est permise uniquement à certaines conditions, notamment :
Vous êtes propriétaire unique, ou copropriétaire indivis avec votre conjoint(e).
Si l’immeuble appartient à une société, une compagnie ou à plusieurs copropriétaires qui ne sont pas conjoints, la reprise n’est pas possible.
La reprise est faite pour loger vous-même, vos enfants, vos parents ou une personne dont vous avez la charge.
Vous ne pouvez pas reprendre un logement pour y loger un ami, un cousin éloigné ou pour des fins commerciales.
Vous respectez le délai légal de préavis.
Si le bail est à durée fixe : vous devez donner un avis au locataire au moins 6 mois avant la fin du bail.
Si le bail est à durée indéterminée : l’avis doit être donné au moins 6 mois avant la date de reprise envisagée.
Vos locataires ont moins de 65 ans.
Si vos locataires ont 65 ans et plus, vivent dans le logement depuis plus de 10 ans et ont un bas revenu, vous pourriez ne pas pouvoir reprendre le logement.
Le droit du locataire de refuser
Même si vous respectez toutes les conditions et que vous avez le droit de prendre le logement,le locataire peut refuser la reprise. Dans ce cas, vous devrez déposer une demande au Tribunal administratif du logement (TAL) et prouver que vous respectez la loi.
Le TAL analysera votre demande et exigera une preuve sérieuse et crédible que :
vous avez véritablement l’intention d’occuper le logement;
la reprise est faite dans les règles;
aucun abus de droit n’est en jeu.
Les pièges à éviter
Même si vous remplissez les conditions de la reprise, certains éléments factuels peuvent fragiliser votre preuve devant le TAL :
Un logement similaire se libère dans le même immeuble.
Vous possédez déjà un autre immeuble à proximité, avec des logements comparables qui se libèrent.
Votre intention réelle d’occuper le logement est remise en doute (ex. : reprise pour ensuite relouer plus cher).
Dans ce type de dossier, la crédibilité et la cohérence de votre démarche sont essentielles.
Pour une meilleure compréhension de vos droit, nous vous invitons a consulter les articles 1957 à 1970 du Code civil du Quebec reproduit au bas du texte.
Pourquoi consulter un avocat?
La reprise de logement est un droit important, mais elle doit être exercée avec rigueur. Une démarche mal préparée peut mener à un rejet de votre demande et vous exposer à des contestations.
Un avocat peut vous aider à :
Évaluer si vous respectez les conditions légales.
Préparer un avis conforme et éviter les vices de procédure.
Établir une stratégie tenant compte de vos autres immeubles et logements.
Présenter votre preuve de manière claire et convaincante devant le TAL.
Conclusion
Être propriétaire d’un multiplex occupé ne signifie pas avoir tous les droits. La reprise de logement est un recours légal, mais strictement encadré. Pour éviter les pièges et maximiser le succès de votre démarche, il est essentiel de bien vous informer et de préparer une preuve solide.
Chez NDB Avocats inc., nous accompagnons les propriétaires et gestionnaires immobiliers dans leurs démarches de reprise de logement afin de protéger leurs droits et sécuriser leurs projets résidentiels.
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Code civil du Québec
IV. — De la reprise du logement et de l’éviction
1957. Le locateur d’un logement, s’il en est le propriétaire, peut le reprendre pour l’habiter lui-même ou y loger ses ascendants ou descendants au premier degré, ou tout autre parent ou allié dont il est le principal soutien.Il peut aussi le reprendre pour y loger un conjoint dont il demeure le principal soutien après la séparation de corps, le divorce ou la dissolution de l’union civile.
1958. Le propriétaire d’une part indivise d’un immeuble ne peut reprendre aucun logement s’y trouvant, à moins qu’il n’y ait qu’un seul autre propriétaire et que ce dernier soit son conjoint.
1959. Le locateur d’un logement peut en évincer le locataire pour subdiviser le logement, l’agrandir substantiellement ou en changer l’affectation.
1959.1. Le locateur ne peut reprendre un logement ou en évincer un locataire lorsque ce dernier ou son conjoint, au moment de la reprise ou de l’éviction, est âgé de 65 ans ou plus, occupe le logement depuis au moins 10 ans et a un revenu égal ou inférieur à 125 % du revenu maximal lui permettant d’être admissible à un logement à loyer modique.Il peut toutefois reprendre le logement dans l’une ou l’autre des situations suivantes :1° il est lui-même âgé de 65 ans ou plus et souhaite reprendre le logement pour s’y loger;2° le bénéficiaire de la reprise est âgé de 65 ans ou plus;3° il est un propriétaire occupant âgé de 65 ans ou plus et souhaite loger, dans le même immeuble que lui, un bénéficiaire âgé de moins de 65 ans.
1959.2. Le locateur ne peut évincer un locataire au seul motif d’un changement d’affectation visé à l’article 1955.1, à moins qu’il ne lui ait offert, au plus tard un mois avant la transmission de l’avis d’éviction, de résilier son bail et de conclure un nouveau bail, sans interruption. L’offre doit indiquer les services et avantages retirés et leur coût. Elle doit également reproduire le contenu des articles 1955.1 et 1959.2.Le locataire dispose d’un mois pour répondre à cette offre; à défaut, il est réputé l’avoir refusée.S’il accepte, il peut néanmoins saisir le tribunal dans le mois suivant pour faire fixer le loyer ou statuer sur toute autre modification.
1960. Le locateur qui désire reprendre le logement ou évincer le locataire doit aviser celui-ci :
au moins six mois avant l’expiration du bail à durée fixe;
un mois avant, si la durée du bail est de six mois ou moins;
six mois avant la date prévue, lorsque le bail est à durée indéterminée.
1961. L’avis de reprise doit indiquer la date prévue, le nom du bénéficiaire et, s’il y a lieu, le degré de parenté ou le lien avec le locateur.L’avis d’éviction doit indiquer le motif et la date de l’éviction.Ces avis doivent reproduire le contenu de l’article 1959.1. Dans certains cas, ils doivent aussi reproduire les articles 1955.1 et 1959.2.La reprise ou l’éviction peut prendre effet à une date ultérieure à celle indiquée, si le locataire en fait la demande et que le tribunal l’autorise.
1962. Dans le mois suivant la réception de l’avis de reprise ou d’éviction, le locataire doit aviser le locateur de son intention; à défaut, il est réputé avoir refusé de quitter le logement.
1963. Si le locataire refuse, le locateur peut demander l’autorisation du tribunal dans le mois du refus. Il doit démontrer qu’il entend réellement reprendre ou évincer pour les fins prévues et non pour un autre motif.
1964. Le locateur ne peut, sans le consentement du locataire, exercer son droit de reprise s’il possède un autre logement vacant ou offert à la location à la même date, de même genre, situé dans les environs et d’un loyer équivalent.
1965. Le locateur doit payer au locataire évincé :
des frais raisonnables de déménagement,
une indemnité équivalente à un mois de loyer par année d’occupation continue (minimum 3 mois, maximum 24 mois).
Le locataire peut demander au tribunal une indemnité plus élevée en cas de préjudice plus important.
1966. (Abrogé)
1967. Lorsque le tribunal autorise la reprise ou l’éviction, il peut imposer les conditions qu’il estime justes et raisonnables, y compris, en cas de reprise, le paiement au locataire d’une indemnité équivalente aux frais de déménagement.
1968. Le locataire peut réclamer des dommages-intérêts en cas de reprise ou d’éviction, qu’il y ait consenti ou non, sauf si le locateur prouve sa bonne foi.Il peut aussi demander des dommages-intérêts punitifs si la reprise ou l’éviction est faite de mauvaise foi.
1969. Si le locateur n’exerce pas la reprise ou l’éviction à la date prévue, le bail est reconduit de plein droit si le locataire continue d’occuper le logement et que le locateur y consent.Le bail est aussi reconduit si le tribunal refuse la demande après l’expiration des délais. Le locateur peut alors demander la fixation d’un nouveau loyer.
1970. Un logement repris ou évincé ne peut être loué ou utilisé pour une autre fin que celle prévue, sauf autorisation du tribunal, qui en fixera le loyer.